Galaxies lointaines et âge de l'Univers : quelle est l'étendue de l'Univers observable ?


Date : 20 octobre 2004


Question

La galaxie Abell 1835 IR1916 (dans le cercle) par HubbleUne équipe internationale d'astronomes annonçait la semaine dernière l'observation de la galaxie la plus distante jamais identifiée, située à 13 milliards d'années-lumière.

Et bien cet exploit n'aura pas tenu bien longtemps.

Des chercheurs suisses et français annoncent maintenant l'observation de la galaxie Abell 1835 IR1916, située à 13,230 milliards d'années-lumière.

Cette découverte a été réalisée par des chercheurs de l'Observatoire Midi-Pyrénées, du Laboratoire d'astrophysique de Toulouse-Tarbes et de l'Observatoire de Genève.

La galaxie a pu être détectée grâce à l'un des télescopes de l'Observatoire européen astral.

On a donc observé récemment, des galaxies éloignées d'environ 12 milliards d'années-lumière. J'avoue, au regard de mes faibles connaissances, avoir un peu de mal à le concevoir.

Si l'univers est âgé de 14 milliards d'années, la lumière est parvenue à l'heure actuelle à 14 milliards d'années-lumière de rayon maximum du point originel du big bang, mais pas la matière. Il semble donc parfaitement impossible de détecter la lumière de galaxies éloignées de 14 milliards d'années-lumière et plus. Il faudrait pour cela que la matière des galaxies se soit déplacée à une vitesse d'au moins 150 000 kilomètres par seconde depuis le big bang. Et, dans ce cas, il y aurait de fortes probabilités pour que tout un pan de notre univers observable soit quasiment vide.

Qu'en pensez-vous et pouvez-vous m'éclairer à ce sujet et m'apporter les éléments qui me manquent ?

Une réponse qui pose question !

Les questions que vous soulevez sont fondamentales, difficile d'y répondre rapidement et surtout clairement.

Il est très juste que les moyens d'observations devenant de plus en plus puissants on arrive à voir l'univers de plus en plus loin, donc l'univers de plus en plus jeune. Comme cet univers est en expansion on voit les galaxies s'éloigner de nous et donc avec un redshift Z de plus en plus grand, mais nous ne sommes pas le centre de l'univers et on peut tout aussi bien dire que c'est nous qui nous éloignons des galaxies que l'inverse.

C'est ce qui a été vu par un groupe d'astronomes sur IR1916, galaxie amplifiée par effet de d'amplification gravitationnelle de l'amas de galaxie ABELL 1835, la raie de l'hydrogène Lyman alpha a sa longueur d'onde multipliée par 10, à condition que ce soit bien elle qui a été vue. Ces résultats annoncés en mars 2004 sont d'ailleurs un peu contestés, ce n'est d'ailleurs pas leur valeur de « record » qui est important mais le fait que l'on trouve des galaxies à des Z au delà de 7, ce qui indique qu'elles se sont formées très vite dans la vie de l'univers. Z=10 signifie en gros que la galaxie s'est formée au dixième du temps de vie de l'univers, disons vers 1,5 milliard d'années sur les 14-15 milliards que l'on admet comme âge de l'univers.

Le modèle d'univers admis par le plus grand nombre est que notre horizon cosmique, celui à partir duquel le rayonnement a commencé à se répandre dans l'univers se situe à Z=~ 1000 et on le voit maintenant comme fond cosmologique à 2,7 K, ensuite la matière a commencé à se condenser pour créer les étoiles, les galaxies etc. On admet que ce découplage, séparation lumière/ matière se situe vers 200 000 ans après le big bang, mais c'est un ordre de grandeur.

Ce que nous a montré le satellite WMAP, entre autres, c'est que les premières étoiles qui ont réchauffé l'univers se sont allumées pour Z entre 70 et 20, on les pensait beaucoup plus tardives, vers Z=10, ensuite on a longtemps pensé que les galaxies ne s'étaient formées que vers Z=3, d'ailleurs on discute encore pour savoir si à cette époque ce sont les amas d'étoiles qui se sont formés avant de fusionner en galaxies (IR 1916 pourrait n'être qu'un très gros amas). Trouver que les galaxies sont plus anciennes n'est pas vraiment un bouleversement mais une révision de leur mode de formation qui est encore très controversée.

On peut transformer ces Z en distance, ou temps de lumière, c'est plus suggestif, cela laisse encore une attente de 1 milliard d'années aux galaxies pour se former car on place le big bang entre 14 à 15 milliards d'années. Comme à partir de ce moment elles ont commencé à émettre de la lumière il n'est pas étonnant qu'on les voit puisque on voit la lumière du fond cosmologique émise bien avant.

Il n'empêche que c'est une réelle performance expérimentale de trouver un signal de galaxie à cette distance.

Les autres questions que vous posez sont beaucoup plus difficiles à concevoir car dans la vision actuelle de l'univers ce ne sont pas les galaxies qui sont projetées dans des directions fixes mais plutôt des galaxies qui ne bougent pas beaucoup dans un univers qui se dilate, selon la loi, ou la formule de Hubble.

L'annexe (voir ci-dessous) vous donne un aperçu plus complet de ce processus. Elle est extraite d'un livre de M. Magnan actuellement épuisé en publication. Ne pas se laisser impressionner par les formules qui sont là pour étayer le texte, celui-ci devrait suffire à expliciter le mécanisme de cette expansion.

La géométrie de l'univers n'est ni évidente ni intuitive, le big bang n'est pas comme une fusée d'artifice qui envoie ses galaxies lumineuses aux quatre coins de l'horizon, nous ne regardons pas l'univers de l'extérieur mais nous sommes embarqués dedans et nous ne sommes pas en son centre, l'univers n'a pas de centre.

Pour en revenir à une dernière question il y a toute une partie de l'univers entre Z=1000 et Z voisin de 70 que l'on pourrait considérer comme vide, en fait il est rempli des atomes qui constitueront plus tard les étoiles mais qui ne rayonnent pas, l'univers n'est pas vide dans ce domaine mais inobservable.

Annexe : téléchargez l'extrait "où se situe l'horizon de notre Univers" (au format Acrobat - 169 ko) du livre "La Nature sans foi ni loi"
Christian Magnan
College de France(Paris) et Universite de Montpellier 2
Editions Belfond/Sciences (1988, épuisé)
Les chapitres de ce livre sont consultables sur le site de C. Magnan.